Publié le 11 avril 2001 à 18h55
Mis à jour le 14 avril 2001 à 11h51
Les dirigeants pro-Kremlin de la chaîne russe ont empêché les
journalistes, dont plusieurs ont été
licenciés ou ont démissionné, de
pénétrer samedi matin dans les
locaux de la rédaction. Le personnel,
qui dénonce cette opération comme
un «putsch», s'est réfugié sur une
chaîne dissidente pour continuer son
combat.
La nouvelle direction de NTV a investi
les locaux de NTV vers 04H00 samedi
(minuit GMT) et a remplacé le service
de sécurité de la chaîne par une
nouvelle équipe, a raconté un
porte-parole de NTV Maria Chakhova,
qui a ensuite été licenciée. La nouvelle
direction de NTV a commencé à
travailler et "tout s'est passé sans
violence", a pour sa part déclaré Oleg
Sapojnikov, un représentant du
nouveau directeur général de la chaîne
Boris Jordan, un Américain d'origine
russe. Depuis la prise de contrôle
formelle de la chaîne le 3 avril par
Gazprom, dont le principal actionnaire
est l'Etat, la majorité de la rédaction
refusait de reconnaître la nouvelle
direction.
Vendredi, Boris Jordan, avait revendiqué le contrôle éditorial et financier de la chaîne, et appelé la direction sortante à s'effacer, essuyant un refus. Il avait alors assuré qu'il n'avait pas l'intention d'avoir recours à la force.
Boris Jordan a été nommé directeur général de la chaîne par Gazprom. (Photo AFP)
"Pour la dernière fois, j'appelle Evgueni Kisselev (le directeur général démis) à coopérer", avait-il menacé. Quelques heures plus tard, des forces spéciales du ministère de l'Intérieur (OMON) intervenaient pour remplacer l'ancien service de sécurité par un nouveau. Ce dernier a empêché les journalistes de pénétrer dans les locaux de la chaîne, puis a commencé à les filtrer, selon l'agence Interfax.
La nouvelle direction a alors demandé aux journalistes de NTV de signer un document attestant qu'ils acceptaient de coopérer et a commencé à licencier ceux qui refusaient, a déclaré Maria Chakhova. Une présentatrice vedette, Mariana Maksimovskaïa, ainsi que le chef des informations, Grigori Kritchevski, figurent parmi les licenciés, selon la radio Echo de Moscou du groupe Media-Most. Les journalistes qui refusent de coopérer avec la nouvelle direction se sont réfugiés sur une autre chaîne du groupe Media-Most de Vladimir Goussinski, TNT, à l'audience cependant nettement plus limitée. Une centaine de personnes -dont une quarantaine de journalistes, des cameramen, des techniciens- se trouvaient samedi dans les locaux de TNT, en face de ceux de NTV, dans le quartier du nord de Moscou d'Ostankino.
Ils y ont reçu quelques soutiens, notamment de Grigori Iavlinski, le leader de la droite réformatrice, qui a dénoncé "un coup de force". Le défenseur des droits de l'homme et ex-dissident soviétique, Sergueï Kovalev, a estimé que l'action de la nouvelle direction avait montré que "le KGB était au pouvoir", dans une allusion au président Vladimir Poutine, un ex-agent du KGB, qui est accusé de vouloir museler la presse indépendante. Vladimir Poutine a refusé d'intervenir dans cette affaire qu'il considère comme un conflit commercial. "Cette opération est du même ordre que la tentative de putsch d'août 1991 et elle est effectuée par les mêmes personnes, les membres des services secrets", a accusé Igor Malachenko, un responsable de Media-Most.
Evgueni Kisselev, qui se trouvait en Espagne pour des consultations avec Vladimir Goussinski, le patron de Media-Most, assigné à résidence dans ce pays et dont Moscou réclame l'extradition pour escroquerie, était attendu à Moscou à la mi-journée. Un ancien de NTV Oleg Dobrodeïev qui était passé sur la chaine publique RTR a fait samedi un retour remarqué sur NTV. Selon la nouvelle direction, pas plus de 10% du personnel refuse de travailler avec le nouveau pouvoir alors que les "dissidents" affirment en représenter 80%. Cette prise de pouvoir est intervenue à l'issue d'un conflit de près d'un an entre Media-Most et Gazprom dans le cadre d'un différend sur une dette de 262 millions de dollars de Media-Most.
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